Annexe n° 3 : variations saisonnières de la durée du jour solaire ; équation du temps.
Nous avons vu Partie II §2 que la durée du jour solaire fluctue autour de sa valeur moyenne (24h) en fonction de la saison. Il s'agit ici d'analyser les deux causes de cette variation.
Conséquence de cette loi : Les distances (FS1) et (FS20) étant nettement inférieures aux distances (FS9) et (FS10) l'égalité des aires des deux secteurs « vert » et « rouge » n'est possible que parce que la distance parcourue par le centre du soleil de S9 à S10 est inférieure à celle parcourue de S20 à S1. Les durées de ces deux parcours étant égales la vitesse entre S9 et S10 est nécessairement inférieure à celle entre S20 et S1.
Ainsi, la vitesse du centre du soleil varie : elle est maximale au passage au périhélie (le 4 janvier : 1,019 degré par jour) et minimale au passage à l'aphélie (le 4 juillet : 0,953°/jour) pour une valeur moyenne de 0,986°/jour.
On peut reprendre le raisonnement fait (Partie II.3, remarque 2) en l'adaptant à la différence entre le jour solaire (durée Js) et le jour sidéral (durée Jst). En très bonne approximation, on peut considérer la différence (Js – Jst) comme la durée nécessaire au projeté M1 du méridien de référence sur la sphère céleste à tourner de l'angle , cet angle étant celui dont tourne le soleil en un jour sidéral.
Soit S La vitesse angulaire du soleil le jour considéré (les variations de S étant très lentes, on peut considérer cette grandeur comme pratiquement constante sur un jour) :
Soit M1 la vitesse de M1 en tour par heure. On obtient :
L'écart par rapport au jour solaire moyen (Jm = 24h) vaut finalement :
Les éphémérides permettent le calcul de S . Les autres grandeurs de la formule ont déjà été évoquées. La courbe ci-dessous représente les variations au cours de l'année 2015 de l'écart (Js-Jm) exprimé en secondes. L'écart est maximum lorsque le soleil a sa vitesse maximale, c'est à dire le 4 janvier ; cet écart est minimum lorsque le soleil a sa vitesse minimale, c'est à dire le 4 juillet. Cet écart varie périodiquement : on retrouve le même écart lorsque le soleil retrouve une même position sur sa trajectoire. La période est donc égale à une année sidérale.
La courbe précédente montre que l'écart (Js-Jm) dû à la seule variation de vitesse du soleil ne dépasse pas huit secondes. Or les mesures montrent que cet écart peut atteindre 30s. Il existe donc une autre cause aux variations de durée du jour solaire !
Remarque : le raisonnement que nous allons faire présente quelques similitudes avec celui sur l'influence de la précession des équinoxes sur le jour sidéral (Partie IV §3).
La figure de droite correspond au solstice d'été (la partie « arrière » de l'écliptique n'est pas représentée). Dans ce cas particulier, la vitesse du soleil n'a pas de composante vers le nord ou le sud : la composante est-ouest de la vitesse du soleil représente 100 % de la vitesse réelle.
Entre le solstice d'été et le solstice d'hiver, le raisonnement est analogue, la flèche verte étant orientée vers le sud : à cette période de l'année, le soleil est de plus en plus bas sur l'horizon à heure fixe.
Conséquence, dans le calcul de l'écart (Js – Jm), il faut multiplier la vitesse du soleil par un terme correctif R :
R varie en fonction de la saison selon le tableau de variations ci-dessous :
Dates | Solstice d'hiver année A |
| Équinoxe de printemps |
| Solstice d'été |
| Équinoxe d'automne |
| Solstice d'hiver année A+1 |
variations | 1 |
|
|
| 1 |
|
|
| 1 |
de |
| ➘ |
| ↗ |
| ➘ |
| ↗ |
|
R |
|
| 0,9275 |
|
|
| 0,9275 |
|
|
Ainsi R varie périodiquement avec une période d'une demie année tropique. Puisque (Js – Jm) augmente avec R, la contribution de l'obliquité à l'écart (Js – Jm) varie suivant un tableau de variation analogue. Cette contribution correspond à la courbe rouge. L'écart total correspond à la courbe jaune. Cet écart est maximum vers le 22 décembre : cette date correspond à un maximum de R et à une valeur élevée de S car le soleil est proche du périhélie (atteint le 4 janvier).
Remarque : l'écart total (Jm-Js) ne varie pas de façon rigoureusement périodique dans la mesure où il fait intervenir des phénomènes de périodes différentes : année sidérale d'une part, demie année tropique d'autre part. De plus ces périodes ne sont pas égales à la durée moyenne de l'année civile. Ainsi, les maximums et minimums ne seront pas obtenus les mêmes jours du calendrier selon l'année étudiée. Cependant, année tropique, année sidérale et année civile moyenne ont des durées très proches : les modifications des courbes ci-dessus, d'une année à l'autre sont très faibles…
Nous savons que l'heure solaire dépend de la latitude. Nous allons donc d'abord faire notre étude en plaçant l’observateur terrestre le long du méridien de Greenwich. Nous verrons ensuite les corrections à apporter pour des latitudes différentes.
Remarque préliminaire : le mot « équation » n'a pas ici son acception usuelle mais plutôt celle plus ancienne de « terme correctif » à apporter à une grandeur.
Avant la généralisation des montres, alors que les cadrans solaires étaient nombreux, l'équation du temps (notée Et) a été définie la durée qu'il faut ajouter à l'heure lue sur un cadran solaire (heure solaire vraie : Hsv) pour avoir l'heure solaire moyenne Hsm (heure solaire moyenne : heure légale moins une heure ou moins deux heures l'été) :
Hsm = Hsv + Et soit Et = Hsm – Hsv.
D'ailleurs, la courbe annuelle d'équation du temps était souvent exposée (souvent sous forme d'analemme) à côté du cadran.
L’équation du temps est une grandeur algébrique. Supposons Et > 0 : à Hsm = 12h, le cadran solaire indique une heure Hsv inférieure ; il n'est pas encore midi solaire vrai ; le soleil réel est en retard sur le soleil fictif moyen. Inversement, une valeur négative de Et correspond à un soleil en avance sur le soleil moyen.
Cette définition est toujours celle adoptée en France (les anglo-saxons adoptent la convention de signe opposé).
L'équation du temps ainsi que les coordonnées des planètes du système solaires peuvent être obtenus à l'adresse suivante : http://pgj.astro.free.fr/position-planetes.htm . De nombreux logiciels téléchargeables gratuitement permettent le calcul de Et et trace la courbe représentant les variations de Et au cours d'une année. Voici par exemple le résultat obtenu avec le logiciel SHADOWS pour l'année 2015.
II.2 Influence de l'excentricité sur l'équation du temps.
Pour cette étude, nous supposons l'obliquité nulle : les plans de l'équateur et de l'écliptique sont considérés comme confondus. Le repère a pour origine O le centre de l'ellipse décrite par le centre du soleil, l'axe (OX) est orienté du centre de l'ellipse vers l'aphélie. Dans un premier temps, nous allons construire cette ellipse.
Attention : dorénavant, en absence de précisions, les mesures d'angles seront exprimées en radians plutôt qu'en degrés.
On trace également ( en pointillés bleus) la trajectoire du centre Sf du soleil fictif défini page 10 du document principal. Sf tourne à vitesse angulaire constante sur un cercle de centre F et de rayon a. Il effectue un tour en une durée T égale à la durée d'un tour du soleil réel sur son orbite elliptique. L'angle polaire entre (FX) et (FSf) est noté M et appelé anomalie moyenne. Prenons l'origine des dates à un instant où Sf coupe l'axe (OX). Si Sf tourne de 2. radians (360°) pendant la durée T, pendant la durée t il tourne de :
À ce stade, nous connaissons la trajectoire de S, nous savons positionner Sf à n'importe quel instant sur sa trajectoire circulaire, mais nous ne savons pas encore positionner S sur sa trajectoire elliptique à la date t. Pour ce faire, il faut connaître la valeur de l'angle polaire E à la date quelconque t. Nous allons appliquer la loi des aires : l'aire balayée par FS entre la date zéro et la date t doit être proportionnelle et la durée T correspond à une aire balayée égale à celle délimitée par l'ellipse : .a.b . L'aire A balayée par (FS), entre les dates zéro et t (coloriée en bleu sur le schéma) doit donc vérifier la relation :
Exprimons maintenant l'aire S2 du triangle (OFMC). Cette aire est égale au demi produit de la hauteur Ymc du triangle par sa base : OF = c = a.e ;
Or :
Par identification, on obtient l'équation démontrée pour la première fois par Képler :
M étant connu à la date t, la résolution de l'équation de Képler donne la valeur de E à la date t, ce qui permet d'obtenir les coordonnées polaires de S par les formules démontrées en annexe n°1 :
L'angle polaire est appelé anomalie vraie du soleil.
Remarque : l'usage du mot « anomalie » pour désigner des angles peut surprendre : il dérive de l'adjectif « anomal » qui signifie : « présente des irrégularités ».
Le cercle de la figure représente l'écliptique de centre F : centre de la terre. Sf et S désignent respectivement les intersections avec la sphère céleste des droites passant par F et les centres du soleil fictif et du soleil véritable. M1 représente le projeté sur la sphère céleste de l'intersection du méridien de Greenwich avec l'équateur. Nous continuons à confondre écliptique et équateur céleste. Lorsque M1 rattrape S, il est midi solaire vrai : Hsv = 12h. Il n'est pas encore midi solaire moyen : Hsm < Hsv. La différence (Hsv – Hsm) représente l'équation du temps due à la seule influence de l'excentricité : on l'appelle traditionnellement équation du centre : Etc.
Etc = Hsm – Hsv en supposant l'obliquité nulle.
On rappelle que M1 tourne environ 365 fois plus vite que S et Sf. Dans ces conditions, Etc représente le temps que met M1 pour se déplacer de S à Sf, soit tourner de l'angle (M - ). Nous avons déjà montré que M1 tourne par rapport au soleil de 1° toutes les quatre minutes. Cela conduit à :
Etc = 4.( - M ) avec Etc en minutes et ( - M) en degrés.
Pour illustrer ces propos, nous allons déterminer l'équation du centre sur le méridien de Greenwich à une date choisie au hasard : le 1 août 2015 à 12h (heure solaire moyenne).
Le livre de Jean MEEUS évoqué en introduction fournit la valeur de l'anomalie moyenne à cette date : M = 206,576° = 3,6054rad.
E = 3,598rad.
On en déduit : tan() = 0,4820 avec sin() < 0. D'où : = 205,736°.
Ainsi l'équation au centre à cette date vaut :
Etc = 4.(205,736 – 206,576) = - 3,362min.
Si la loi des aires était la seule cause des variations de durée du jour solaire, le soleil serait le 1 août 2015 en avance d'un peu plus de 3min sur le soleil moyen.
Cette séquence de calculs peut être refaite pour tous les jours de l'année, ce qui permet de tracer la courbe ci-dessus. L’ellipticité de la trajectoire provoque un décalage entre l'heure solaire vraie et l'heure solaire moyenne de près de 8min.
Latitude du centre S du soleil : L ≠ ;
Latitude du centre Sf du soleil fictif : Lf ≠ M.
Cependant l'écart angulaire entre les droites (FS) et Fsf) est indépendant de l'origine choisie pour les angles. On peut donc poser à chaque instant :
L – Lf = - M ; ou : L = Lf + -M
La valeur de Lf est donnée par les tables astronomiques ; selon Jean MEEUS, le 1 août à 12h solaire moyen : Lf = 129,785°.
L'étude de l'équation au centre a conduit à : = 205,736° ; M = 206,576°.
d'où :
L = 129,785 + 205,736 - 206,576 =128,944°.
Par identification des deux expressions du vecteur position, on obtient trois égalités :
La relation (3) permet de déterminer la déclinaison ; elle est sans intérêt pour notre étude de l'heure. Une « division membre à membre » de (2) par (1) conduit à :
En remarquant que le cosinus de la déclinaison est toujours strictement positif puisque la déclinaison est toujours inférieure à 90° et supérieure à (-90°), la relation (1) permet d'affirmer que cos() est toujours du signe de cos(L).
Conclusion : il est possible de déterminer l'ascension droite en fonction de la longitude écliptique en calculant la tangente de cet angle puis en s'intéressant au signe de son cosinus :
Ainsi, le 1 août 2015 à 12h solaire, nous avons :
tan() = cos(23,437°).tan(128,944°) = -1,1353 avec cos(L) < 0.
D'où l'ascension droite du soleil :
=131,375°.
Remarque : pourquoi repérer Sf par Lf alors que nous raisonnons dans le plan équatorial et non dans le plan écliptique ? Sf est défini dans le cas fictif où l'excentricité et l'obliquité sont nulles ; dans ce cas fictif, le plan équatorial se confond avec le plan écliptique : ascension droite et longitude écliptique se confondent !
Raisonnons dans le cas de la figure où :
> Lf.
Le méridien de Greenwich rencontrera Sf avant de rencontrer S1, le soleil réel est en retard par rapport au soleil fictif moyen : Et > 0. L'équation du temps représente la durée mise par le méridien de Greenwich à tourner de l'angle ( - Lf). D'où l'expression générale de l'équation du temps mesurée en minutes :
Et = 4.( - Lf) avec et Lf mesurés en degrés.
Le 1 août 2015 cela donne :
Et = 4.(131,375 – 129,785) = 6,3613min.
Remarque 1 : Les tables des éphémérides donnent à cette date : Et = 6,3567min ; l'écart – extrêmement faible (à peine 3 dixièmes de seconde) - s'explique par le fait que nous avons négligé la nutation.
Remarque 2 : Nous avons déjà montré : Etc = 4.( - M) = 4.(L – Lf). Afin de faire intervenir l'équation au centre dans l'expression de l'équation tu temps, on peut poser :
Et = 4.( - Lf) = 4.(L – Lf) + 4.( - L).
4.( - L) représente la contribution à l'équation du temps de la projection du soleil vrai sur le plan de l'équateur, c'est à dire l'influence sur l'équation du temps de l'obliquité. Elle est appelée réduction à l'équateur EtR.
EtR = 4.( - L).
Ainsi : Et = Etc + EtR. Les trois courbes sont représentés ci-dessous pour l'année 2015, en bleu : Et, en rouge Etc, en vert EtR.
Remarque 4 : conséquence de la remarque 3 : les remarques faites page 4 de cette annexe à propos de la périodicité des courbes s'appliquent respectivement aux trois courbes représentant Etc, EtR et Et. Les courbes annuelles varient très peu d'une année à l'autre. Pour illustrer ce propos, je reproduis ci-dessous les courbe annuelles de l'équation du temps décalées de trois siècles : en rouge pour l'année 1815, en bleu pour l'année 2115. Les écarts restent très faibles : au plus une cinquantaine de secondes fin juillet.
Les raisonnements précédents s'appliquent en un lieu sur le méridien de Greenwich (longitude Lg = 0). Pour la clarté des notations, les grandeurs mesurées sur le méridien de Greenwich seront affectées de l'indice G. Nous avons ainsi :
HsvG = HsmG – EtG
avec : HsvG : heure solaire vraie à la latitude nulle (Greenwich)
HsmG : heure solaire moyenne à la latitude nulle
EtG : équation du temps à la latitude nulle.
Hsv – HsvG = 4.Lg.
Ainsi :
Hsv = HsmG +4.Lg - EtG.
L'écart entre l'heure solaire vrai du lieu quelconque et l'heure solaire moyenne à Greenwich étant mesuré en minutes.
Prenons l'exemple de Paris (Observatoire) le 1 août 2015 ; sa longitude est Lg = 2,34° (valeur positive car Paris est à l'est de Greenwich). Midi solaire vrai à Paris intervient 2,34 x 4 = 9,35minutes plus tôt qu'à Greenwich. L'équation du temps vaut 6,36min ce jour-là. Lorsqu'il est 12h solaire moyen à Greenwich, soit 14h : heure légale d'été à Paris, il est :
12h + 9,35min – 6,36min = 12h 3min solaire vrai à Paris.
Remarque 1 : Pendant longtemps, l'heure solaire moyenne à Greenwich à servie de référence : l'heure GMT. En fait, les horloges atomiques récentes très précises ont mis en évidence de très faibles irrégularités et un très lent ralentissement de la rotation de la terre sur elle-même, d'où la mise en place d'un temps universel coordonnée (temps UTC) défini à partir d'un ensemble d'horloges atomiques. Cependant, au besoin par l'ajout ou la suppression de secondes intercalaires au calendrier, les astronomes veillent à ce que l'heure UTC ne s'écarte jamais de l'heure GMT de plus d'une seconde. On peut poser en très bonne approximation : HsmG = HUTC.
Remarque 2 : Si on dispose d'une bonne montre indiquant l'heure UTC, de l'équation du temps à la date donnée, le repérage de l'heure de culmination du soleil ce jour-là permet le calcul de la longitude du lieu. Prenons un exemple : imaginons que le 1 août 2015, la montre indique 13h30min lorsque le soleil culmine : Hsv = 13h30min. La culmination du soleil à Greenwich ce jour-là correspond à l'heure solaire vrai à Greenwich :
HsvG = HsmG – Et = 12h – 6,36min = 11h 53,64min.
Midi solaire a été observé à Greenwich 1h 36,36min = 96,36min plus tôt qu'au lieu considéré. Ce lieu est donc à l'ouest de Greenwich, sa longitude est négative. On obtient :
Cette méthode de mesure de longitude a longtemps été utilisée en marine.
Remarque 3 : l'heure légale est fixée par décret dans chaque pays. C'est en général l'heure UTC à laquelle on ajoute ou retranche un nombre entier d'heures de façon que midi heure légale ne soit pas trop éloigné de midi solaire. Ainsi en France l'heure légale est (UTC +1) l'hiver et (UTC +2) l'été.
Remarque 4 : On peut se poser la question : pourquoi est-il nécessaire de mesurer le temps avec une telle précision ? Les GPS mesurent maintenant les distances en mesurant des temps de parcours de la lumière d'un lieu à un autre. Imaginons une horloge mesurant cette durée avec une erreur d'un millionième de seconde. Cela peut paraître une excellente mesure dans l'absolu mais, sachant que la lumière se propage à 300 000 km par seconde environ, cette erreur génère une erreur sur la distance de 300m !