Remarque préliminaire : nous utiliserons plusieurs fois l'expression « champ gravitationnel ». De quoi s'agit-il exactement ? De façon générale : un champ de force est une région de l'espace où une source de champ est capable d'exercer sur un objet une force à distance. Deux exemples : un aimant crée autour de lui un champ magnétique car, si on place un clou en fer dans cette région, l'aimant (la source du champ) exerce sur le clou une force attractive à distance, c'est à dire sans qu'il y ait contact entre le clou et l'aimant ; la lune et la terre, ainsi que les autres planètes, sont dans le champ de gravitation du soleil (ici la source de champ) car le soleil exerce sur ces astres des forces attractives dites forces gravitationnelles.
Chacun sait que la fréquence des marées est imposée par le mouvement de la lune, le soleil ayant essentiellement une influence sur l'amplitude des marées.
Nous allons donc nous limiter à celui de la durée moyenne JLm du jour lunaire. Notons M l'intersection du méridien du lieu avec le plan de l'écliptique et M1 l'intersection de la sphère céleste avec la droite (OM), O étant le centre de la terre. Soit Lu, le point de l'écliptique dont la longitude écliptique est à chaque instant égale à la longitude écliptique du centre de la lune. Nous étudions les mouvement dans le repère géocentrique. À midi lunaire un jour J quelconque, les point M1 et Lu sont confondus. Un jour stellaire plus tard, M1 retrouve la même position mais il n'est pas pour autant midi lunaire : le point Lu a tourné d'un angle . Pour rattraper le point Lu, le point M1 doit tourner d'un angle supplémentaire . Le jour lunaire est donc un peu plus long que le jour stellaire.
Le calcul est classique et a été fait à plusieurs reprises : en un jour lunaire moyen de durée JLM , M tourne de un tour par rapport à Lu. Sa vitesse de rotation par rapport à Lu, exprimée en tour par heure est donc :
La vitesse de rotation de M1 par rapport au repère géocentrique est de un tour par jour stellaire :
La vitesse de rotation de Lu par rapport au repère géocentrique est de un tour par mois sidéral Msi = 27,3217 jours = 655,7198782 heures, soit :
Soit, par identification :
Application numérique :
La durée moyenne du jour lunaire est donc :
24 heures 50 minutes et 28 secondes.
On lit souvent dans les ouvrages de vulgarisation ou sur certains sites internet : « les marées sont le résultat des forces d'attraction exercées sur les océans par la lune et par le soleil ». Il est exact que les forces de gravitation exercées par la lune et le soleil interviennent mais l'explication est très incomplète et en contradiction avec certains faits observés.
La seconde incohérence concerne le rythme des marées. Restons dans l'hypothèse précédente : l'eau des océans, attirée par le soleil, se déplace du côté du soleil : par rapport à la hauteur moyenne que l'on obtiendrait en absence de marée, on obtient une marée haute au plus près du soleil et une marée basse à l'opposé.
Comme la terre tourne par rapport au soleil d'un tour par jour solaire, on obtient une marée haute et une marée basse par jour solaire. De plus, les heures des marées hautes et basses sont pratiquement fixes : marée haute peu après midi solaire, marée basse peu après minuit. Ce n'est pas du tout ce que l'on obtient : la durée moyenne entre deux marées haute et la durée moyenne entre deux marées basse sont exactement égales à un demi jour lunaire et les amplitudes des marées dépendent fortement du cycle de la lune ! Seconde incohérence ! Il nous faut donc une théorie des marées plus élaborée.
Pour comprendre, commençons par réfléchir à quelques expériences simples.
Une petite bille métallique de masse m abandonnée dans l'air au voisinage de la terre est soumise essentiellement à quatre forces :
* La force de gravitation exercée par la terre ;
* La force d'inertie centrifuge due à la rotation propre de la terre autour de l'axe de ses pôles ;
* Les forces exercées par l'air : poussée d'Archimède et force de frottement.
Si la bille est assez dense et si sa vitesse reste faible, les forces exercées par l'air sont négligeables devant les deux autres. La somme des deux premières forces est appelé « poids » ou « force de pesanteur ». Elle peut s'exprimer par la relation vectorielle :
Imaginons l'expérience suivante : on lâche simultanément trois billes éventuellement différentes sans leur communiquer de vitesse. Le champ de pesanteur étant uniforme, les trois billes ont la même accélération vers le bas et ont à chaque instant la même vitesse ; les distances d1 et d2 entre leurs centres ne varient pas au cours du temps. On peut imaginer de relier ces trois billes par deux élastiques, créant ainsi un objet déformable. Les élastiques ne vont pas varier de longueur au cours de la chute. On peut aussi imaginer d'enfermer du sable dans un ballon en caoutchouc souple : il ne se déformera pas lors d'une chute ! Conclusion : un objet déformable ne se déforme pas dans un champ de force uniforme.
L'exemple le plus simple de champ non uniforme est le champ magnétique créé par une barre métallique aimantée (un « aimant droit »). Imaginons trois petites billes en fer identiques, alignées sur une table à quelques centimètres les unes des autres. Les billes étant maintenues immobiles sur la table avec une main, on pose sur la table avec l'autre main un aimant droit puis on enlève la main bloquant les trois billes, celles-ci se mettant alors en mouvement simultanément. La bille la plus proche de l'aimant est davantage accélérée que la bille centrale, elle-même plus accélérée que la bille la plus éloignée de l'aimant : l'écart entre les billes augmente au cours du temps (avant bien sûr que les billes ne viennent en contact avec l'aimant !). On obtient : d1 > d et d2 > d. Première conclusion : le système déformable constitué des trois billes se déforme dans un champ de force non uniforme.
Imaginons maintenant l'expérience du point de vue d'un observateur fictif qui serait sur la bille centrale ; plus précisément, décrivons le mouvement dans le repère (G2XY): son origine est le centre G2 de la bille centrale et ses axes gardent des directions fixes par rapport à l'aimant. Dans ce repère, le système constitué des trois billes se déforme de la même façon mais si G3 se déplace vers l'aimant, G1 se déplace dans le sens opposé !
De façon très générale, on appelle effets de marées les déformations d'un système provoquées par un champ de force non uniforme. La déformation du système formé des trois billes n'est pas due aux trois forces exercées par l'aimant sur les trois billes (la relation fondamentale de la dynamique appliquée au système montre que ces trois forces sont responsables du mouvement du centre G2 du système) mais aux différences existant entre ces trois forces.
Un tel champ n'est pas uniforme puisqu'il diminue d'intensité en fonction de la distance : par exemple : multiplier la distance r par deux revient à diminuer l'intensité du champs, donc la force exercée sur une particule de masse m, par quatre.
Remarque : comme souvent, la figure n'est pas a l'échelle, la distance terre - lune est très largement sous-estimée et la déformation de la surface de l'eau par effet de marée est très exagérée : en réalité les marées provoquent des variations de hauteur d'eau de quelques mètres seulement ; ces variations sont totalement négligeables devant RT = 6378km !
Pour évaluer l'influence des effets de marées sur un astre, on évalue la différence d'intensité entre le champ gravitationnel au centre de l'astre et le champ gravitationnel à la périphérie, le long de l'axe des centres. Ainsi la différences entre les champs créés par la lune en A et en O s'écrit :
Ainsi :
D'où l'expression simplifiée de la différence entre les deux champs :
Nous pouvons de même calculer la différence entre les champ créés par la lune en O et en B :
Les mêmes simplifications qu'au-dessus conduisent à :
D'où l'expression simplifiée de la différence entre les deux champs :
Nous obtenons le même écart qu'entre les champs en A et en O.
Forces de marées | créées par la lune sur la terre | créées par le soleil sur la terre | créées par la terre sur la lune | créées par le soleil sur la lune |
| 1 | 0,456 = 1/2,19 | 22,1 | 0,124 = 1/8,04 |
Ces résultats sont cohérents avec les faits : l'influence de la lune sur les marées terrestre est prédominante (c'est la lune qui impose le rythme des marées) mais l'influence du soleil n'est pas négligeable : il influence fortement les amplitudes des marées. Si les axes (OOL) et (OOS) sont proches (cas des nouvelles et des pleines lunes), les effets du soleil et de la lune s'ajoutent, les marées sont de grande amplitude (marées de vives eaux tous les demi-mois lunaires en moyenne) ; lorsque les deux axes sont le plus écartés (cas des deux quartiers), les effets se compensent partiellement, les marées sont de faible amplitude (marées de mortes eaux). Les amplitudes des marées dépendent de nombreux autres facteurs : les saisons, les variations des distances dT-S et dT-L …
Remarque : tout cela est fort bien expliqué dans l'excellent livre de Odile GUÉRIN :
« COMPRENDRE LES MARÉES » , publié aux éditions OUEST FRANCE.
La compréhension de cette partie demande quelques connaissances en physique et en mathématiques...
Pour l'instant, nous négligeons l'influence du soleil : nous supposons l'ensemble {terre – lune} suffisamment loin de tout autre astre pour constituer un système isolé. Le principe d'inertie permet ainsi d'affirmer que le centre d'inertie G n'a pas d'accélération par rapport à un référentiel galiléen lié à un système d'étoiles suffisamment éloignées pour être considérées comme fixes. Un repère RG d'origine G dont les axes pointent vers trois étoiles très éloignées est donc galiléen. On peut donc appliquer dans ce repère la relation fondamentale de la dynamique (dite aussi : seconde loi de Newton), sachant que la seule force à prendre en compte est la force gravitationnelle exercée par la lune sur la terre :
L'accélération du centre de la terre dans ce repère barycentrique RG est donc égale à chaque instant au vecteur champ de gravitation créé par la lune au centre de la terre.
On s'intéresse maintenant aux forces exercées sur une particule P de masse m à la périphérie de la terre (par exemple une goutte d'eau d'un océan), l'étude se faisant maintenant dans le repère géocentrique R, d’origine O, le centre de la terre, ces trois axes restant constamment parallèles à ceux de RG .
Considérons d'abord les forces qui existent en absence de la lune :
* La force de gravitation exercée par la terre ;
* La force d'inertie centrifuge due à la rotation propre de la terre au tour de l'axe de ses pôles ;
* Les forces exercées par l'eau et éventuellement l'air autour de la goutte d'eau étudiée.
En absence de la lune, la goutte d'eau est considérée en équilibre par rapport à la terre : la résultante de ces forces est donc nulle.
À ces forces s'ajoutent celles inhérentes à la présence de la lune :
Conclusion : la résultante des deux forces dues à la présence de la lune est la force de marée s'exerçant sur la particule P en présence de la lune ; elle vaut :
La théorie confirme les observations faites paragraphe I.4 sur les déformations provoquées par les champs non uniformes. La force de marée créé par la lune en un point P quelconque de la terre a bien pour origine la différence entre le champ de gravitation créé par la lune au point P de la terre et le champ de gravitation créé par la lune au centre de la terre.
Nous utilisons les notations précisées sur le schéma.
D'où :
La composante radiale du vecteur champ de marée en P est ainsi :
Soit encore :
D'où finalement :
La composante tangentielle du vecteur champ de marée en P créé par la lune s'écrit :
soit encore :
Remarque 1 : le cas particuliers = 0° correspondant au zénith (point A de la figure) conduit à :
le cas particulier = 180° correspondant au nadir (point B de la figure) conduit à :
Remarque 3 : les forces de marées sont bien proportionnelles à la masse de l'astre créant le phénomène de marée, inversement proportionnelle au cube de la distance entre les centres des deux astres et proportionnelle au rayon de l'astre subissant le phénomène de marée.
Ce calcul repose sur des hypothèses très simplificatrices :
* la terre est supposée parfaitement sphérique et recouverte d'une couche d'eau dont la hauteur serait constante en absence de marée (on néglige la surface des continents alors que les mers et océans occupent en réalité 71 % de la surface terrestre et on suppose tous les océans et mers de même profondeur…) ;
* la pression exercée sur les mers et océans par l'air atmosphérique est partout la même (pas d'anticyclone ou de dépression…)
En présence de la lune, l'eau est soumise en plus à la force de marée qui a deux composantes : une composante tangentielle responsable des mouvements d'eau et une composante radiale dont les effets s'ajoute à ceux du champs de pesanteur : tout se passe comme si la surface libre de l'eau était soumise à une champ de pesanteur apparent égal à la somme du champ de pesanteur sans la lune et du champ de marée :
La valeur du champ radial de marée est au plus égale à :
soit une valeur de l'ordre du dix millionième de g. Nous pouvons négliger cette composante et retenir l'expression simplifiée du champ de pesanteur apparent :
soit :
Par intégration, on obtient :
où C est une constante que nous allons déterminer en supposant que l'eau est incompressible, c'est à dire de volume constant. À chaque instant, les augmentations de niveau d'eau dans les régions de marées hautes sont compensées par les diminutions dues aux marées basses dans d'autres régions du globe : la variation de volume d'eau créée par la dénivellation h est nulle à l'échelle de la terre à chaque instant. Attention : sur la figure, la hauteur d'eau due au phénomène de marée (écart d’altitude entre la surface libre et la sphère de rayon RT) est très largement surestimée par rapport au rayon terrestre RT et l'angle d est extrêmement petit en réalité… Commençons par évaluer l’excès (au sens algébrique du terme) de volume d'eau dû à la marée, compris entre le cône de sommet O, de demi-angle au sommet , et le cône de sommet O et de demi-angle au sommet +d (voir figure au-dessus) ; l’axe de symétrie de ces cônes est orienté de O vers le centre de la lune. Dans le plan de figure, l'intersection de l'espace occupé par cette eau excédentaire située entre ces deux cônes, avec le plan de figure, est constituée de deux rectangles élémentaires, symétriques par rapport à l'axe des centres de la terre et de la lune, dont la hauteur est h et la largeur RT.d ; l'aire élémentaire de ces rectangles est ainsi : dS = h.RT.d. La figure est invariante par rotation autour de l'axe des centres. Le volume d'eau élémentaire recherché est donc le produit de dS par le périmètre du cercle de rayon R = RT.sin() soit : dV = 2..R.dS = 2..h.RT2.sin().d. Le volume total V s'obtient en intégrant l'expression précédente entre zéro et . Ce volume devant être nul, on obtient finalement :
soit :
En remplaçant cos(2.) par 2.cos2() -1, on obtient :
D'où :
En reportant cette valeur dans l'expression générale de h et en remplaçant cos(2.) par 2.cos2() -1, on obtient :
Soit après simplification :
L'influence du soleil, s'étudie de la même manière que celle de la lune : il suffit de remplacer dans les calculs mL par mS et d = dT-L par dT-S . On suppose que la variation du niveau de l'eau est la somme des deux variations dues au soleil seul et à la lune seule.
Application numérique avec les distances moyennes déjà utilisées :
Remarque : on retrouve entre ces deux hauteurs le rapport de 2,19 déjà calculé en fin de paragraphe II.2, montrant ainsi la prépondérance de l'influence de la lune sur les marées à la surface de la terre.
Nous étudions également l'influence de L sur les hauteurs d'eau à marée basse, c'est à dire pour = 90° ou 270° soit cos() = 0. Dans ce cas particulier, nous avons :
La courbe ci-contre représente la variation de l'amplitude (ou « marnage ») (h1 - h2) de la marée en fonction de L . La courbe montre bien que le marnage est maximum pour L = 0° ou 180° , soit à la pleine lune et à la nouvelle lune : il y a alors une marée de vives eaux. Le marnage est minimum pour L = 90° ou 270° soit à chaque quartier.
Autre représentation possible du phénomène : les courbes ci-dessus montrent les déformations de la surface de l'eau dans le plan de l'écliptique pour une pleine lune (courbe de gauche) puis pour un dernier quartier (courbe de gauche) dans le plan de l'écliptique. Dans le premier cas la déformation est beaucoup plus importante que dans le second.
De façon analogue, un vecteur unitaire orienté de O vers le centre OL de la lune a pour expression dans la même base :
Pour un point P de la surface terrestre, la déclinaison est égale à la latitude et l’ascension droite P est celle du méridien de Greenwich G , donnée par les tables d'éphémérides, augmentée de la longitude l. Un vecteur unitaire orienté de O vers P a pour expression dans la même base :
soit :
On reconnaît entre les crochets l'expression du cosinus de la différence des ascensions droites du méridien local et de la lune souvent appelé « angle horaire » de la lune :
HL = P - L = G + l -L ;
Finalement :
Nous avons besoin de l'expression de Y = (3.cos2() - 1) pour déterminer les hauteur d'eau. Le calcul est un peu long ; il se simplifie en tenant compte des trois relations classiques :
Pour l'angle ' entre les droites OOS et OP, le calcul se mène de façon identique, il suffit de remplacer la déclinaison de la lune par celle du soleil S et de définir l'angle horaire du soleil comme la différence entre les ascensions droites du méridien local et du soleil : HS = P - S . On pose YS = (3.cos2(') - 1) et on obtient :
La hauteur d'eau devient ainsi :
soit, exprimée en cm pour les valeurs moyennes des distances entre les astres :
h = 17,87.YL + 8,16.YS .
Faisons quelques commentaires sur le terme prépondérant correspondant à l'influence de la lune : il est la somme de trois termes :
Enfin, cette hauteur est inversement proportionnelle au cube de dT-S et dT-S fluctue autour de sa valeur moyenne avec une période d'un mois anomalistique.
Une analyse analogue est possible pour l'influence du soleil ; il suffit de remplacer jour lunaire par jour solaire et mois par année pour l'analyse des périodes...
La théorie statique rend compte correctement du rythme semi-diurne des marées et permet d'expliquer correctement l'influence des phases de la lune et l'influence des saisons sur leurs amplitudes. Plus généralement, on peut dire qu'elle identifie bien de nombreux paramètres dont dépendent les hauteurs d'eau. Elle présente néanmoins des insuffisances graves.
En premier lieu : c'est une théorie statique ; à cause de son inertie, l'eau ne peut pas être constamment en état d'équilibre : une modification des perturbations comme les déplacements de la lune et du soleil par rapport à la surface terrestre n'est pas répercutée instantanément sur le niveau d'eau. Ainsi, la marée haute à un endroit donné n'a pas lieu exactement lorsque la lune passe au plus près du lieu mais avec un certain retard. De même les marées de vives eaux n'ont pas lieu exactement à la pleine lune ou à la nouvelle lune mais trois jours plus tard environ. La théorie statique néglige la présence des continents, or le découpage des côtes et les irrégularités du relief des fonds marins engendrent des retards supplémentaires : par rapport à la lune, le retard de la marée haute sera plus grand pour un port située au fond d'une baie que pour un port situé sur une côte presque rectiligne proche de hauts fonds… Enfin, l'eau étant en mouvement par rapport à un repère non galiléen (la terre) , il faut tenir compte des forces d'inertie de Coriolis... Pour tenir compte de ces retards, on remplace dans les formules précédentes les angles horaires HL et HS par des « angles horaires retardés » (HL – rL) et (HS – rS) où les angles de retard rL et rS sont déterminés expérimentalement pour chaque port.
En second lieu : les amplitudes des marées prévues par la théories sont très inférieures en général à celles constatées : la théorie prévoit un marnage maximum de 60cm environ alors qu'il atteint souvent quelques mètres. La théorie statique suppose la profondeur des océans constante, ce qui est évidemment faux ; la diminution rapide de cette profondeur à l'approche des côtes ainsi que le découpage des côtes influencent de façon importante la hauteur d'eau. Pour compliquer la situation, des phénomènes de résonance peuvent intervenir : si une fréquence propre d'un océan ou d'un bassin maritime particulier coïncide avec la fréquence d'un des termes de marée définies précédemment, ce terme est considérablement amplifié. Ainsi la distance entre la côte est de l'Amérique du Nord et la côte de l'Europe de l'Ouest amplifie le terme semi-diurne de la marée ; en revanche, les dimensions du golfe du Mexique amplifie le terme diurne au point de le rendre prépondérant : on observe là-bas seulement une marée haute et une marée basse par jour lunaire. Pour tenir compte de cela, les amplitudes des différents termes de la formule statique sont remplacés par des constantes déterminées expérimentalement pour chaque port. On obtient ainsi, pour chaque port, une formule de la hauteur d'eau de la forme :
Cette formule semi-empirique a longtemps été utilisée en France. En effet, une théorie dynamique qui tiendrait compte à l'échelle de la terre du découpage des côtes, des variations de profondeur, des résonances, est totalement impossible à élaborer.
Remarque à propos du phénomène de résonance : pour mieux comprendre, imaginons la surface libre de l'eau d'une piscine que l'on perturbe périodiquement, par exemple en enfonçant puis relevant périodiquement une lourde plaque (en jaune sur la photographie ci-dessous). Ce mouvement provoque des vagues qui se propagent à partir de la plaque puis se réfléchissent sur les parois du bassin pour se superposer aux vagues que continue à émettre la plaque.
Dans d'autres piscines à vagues, l'excitation périodique n'est pas obtenue par le mouvement d'une plaque mais par l'injection à intervalles réguliers d'eau ou d'air ...
Nous avons déjà inventorié un certains nombre de phénomène périodiques qui influence la hauteur d'eau : influence semi-diurne de la lune, influence semi-diurne du soleil, influence diurne du soleil, influence diurne de la lune, influence annuelle du soleil, influences mensuelles de la lune…. Si on tient compte de la complexité du mouvement de la lune et des influences faibles des autres planètes du système solaire, on dénombre une centaine de phénomènes périodiques influençant la hauteur d'eau h ; leurs périodes sont connues grâce aux mesures astronomiques, on les note T1 , T2 , … Ti … La méthode actuelle consiste à écrire la hauteur d'eau h comme une somme de N fonctions sinusoïdales (les « harmoniques » en mathématique) ayant les périodes définies précédemment :
t est le temps solaire moyen local exprimé en heures décimales ; h0 désigne la hauteur d'eau moyenne.
Les hauteurs d'eau sont enregistrées en continu dans un grand nombre de port. Les théories mathématiques d'analyse du signal et les performances des ordinateurs permettent de déduire des enregistrements les amplitudes h0 , h1 , … et les déphasages 1 , 2 … pour chacun des ports de référence étudiés.
Ces mesures et ces calculs sont confiés en France à un organisme officiel : le SHOM (Service hydrographique et océanographique de la marine) qui publie ses résultats sous forme d'annuaires. Le site du SHOM : http://refmar.shom.fr/fr/documentation/supports-tipe;jsessionid=1B988F0101884594BF88CC28A7CFEE9E publie un fichier : « formulation.pdf » explicitant les calculs mais limité aux 21 premiers termes de la formule… Cela permet néanmoins d'obtenir des résultats assez précis (cette méthode est d'ailleurs reprise par diverses applications pour téléphones mobiles).
Remarque : les horaires des marées hautes et basses publiés par le SHOM sont très fiables. Concernant les hauteurs d'eau, les aléas climatiques peuvent apporter des modifications impossibles à prévoir : un vent très fort peut augmenter ou diminuer les hauteurs d'eau au voisinage des côtes selon que le vent souffle de la mer vers la terre ou l'inverse ; de plus, les hauteurs d'eau sont très sensibles aux variations de pression atmosphérique : une variation de seulement dix hectopascals, soit dix millibars (un peu moins d'un centième de la pression atmosphérique moyenne…) entraîne une variation de hauteur d'eau de 10 cm…
Comme dans le paragraphe III.1, nous négligeons l'influence du soleil, ce qui revient à considérer le système terre – lune comme isolé et le repère barycentrique RG comme galiléen. Pour alléger les notations, on pose :
Par définition du barycentre du système, on obtient :
Le moment cinétique orbital du système terre – lune est à chaque instant égal à celui de ce point fictif M :
D'où :
Conséquence : le point fictif M se déplace dans le repère RG comme s'il était soumis à la force gravitationnelle exercée par la terre sur la lune. L'étude de ce mouvement est un classique : dans le cas général la trajectoire est une conique, dans le cas particulier qui nous occupe, c'est une ellipse de très faible excentricité. Nous allons pour simplifier, assimiler ce mouvement à un mouvement circulaire uniforme. L'accélération de M dans RG est alors un vecteur radial centripète de norme r.2 où désigne la vitesse angulaire orbitale de M. On obtient ainsi :
on en déduit l'expression de la vitesse angulaire de M dans RG :
ainsi que l'expression du vecteur vitesse de M dans RG :
Cela conduit à l'expression du moment cinétique orbital du système terre -lune dans RG :
D'où finalement l'expression générale du moment cinétique du système terre – lune dans RG :
Nous en avons parlé au paragraphe V.6.8 du texte principal : les forces de marées tendent à déplacer périodiquement les masses d'eau et à déformer périodiquement les roches : cela génère des frottements donc une perte d'énergie de chaque astre qui tend à diminuer les vitesses de rotation propre des deux astres L et T . La formule du moment cinétique obtenue montre qu'une diminution de L et T implique une augmentation de la distance r entre les deux astres : la diminution du moment cinétique due aux rotations propres entraîne une augmentation du moment cinétique orbital. Les forces de marées sur la lune sont beaucoup plus intenses sur la lune que sur la terre : le ralentissement de la rotation propre de la lune a été le plus important au cours des millénaires ; le synchronisme pour la lune est maintenant atteint : L = et cela s'est traduit par un doublement de la distance terre – lune.
Le synchronisme pour la terre n'étant pas atteint, les forces de marées continuent à diminuer la vitesse de rotation propre de la terre, donc à provoquer une très lente augmentation de la distance terre – lune.
Les mesures montrent que la durée du jour stellaire Jst augmente à raison de 2,30 millième de seconde par siècle. Soit JST la durée d'un jour stellaire ; si les angles sont mesurés en radians, nous avons :
soit en dérivant par rapport au temps :
Z ne varie pas au cours du temps, sa dérivée par rapport au temps est nulle à chaque instant :
Applications numériques :
La valeur expérimentale, mesurée par télémétrie laser depuis la pose sur la lune de miroirs réfléchissant, conduit à 3,76cm environ par an. Nous obtenons une valeur très proche de la valeur expérimentale. Le faible écart constaté est dû aux hypothèses simplificatrices retenues ; nous avons en particuliers négligé l'influence du soleil…
L'expression déjà démontrée de la vitesse angulaire de M dans RG :
Par différentiation logarithmique, nous obtenons :
L'application numérique conduit à une augmentation de la durée du mois sidéral de 35 millième de seconde par siècle.
L'énergie mécanique du système est la somme de trois termes :
- l'énergie cinétique de rotation propre des deux astres :
- l'énergie cinétique orbitale due aux vitesse des centres des deux astres ; on montre aisément qu'elle est égale à celle du point fictif M ;
Les propriétés du gradient conduisent à :
L'expression de l'énergie mécanique du système s'écrit :
Dérivons par rapport au temps :
Les valeurs numériques obtenues précédemment conduisent à :
En convertissant une année en secondes, on remarque que l'énergie perdue par seconde, c'est à dire la puissance des forces de frottement dues aux marées représente 3490GW (3490 gigawatt) soit la puissance d'environ 3500 centrales nucléaires… Bien sûr, ce calcul ne donne qu'un ordre de grandeur…
On peut ainsi imaginer que cette dissipation d'énergie continue à ralentir la rotation propre de la terre jusqu'à l'obtention du synchronisme : la durée du jour lunaire moyen sera alors égale à un mois sidéral : la terre présentera toujours la même hémisphère face à la lune ; pour les habitants de l’autre hémisphère, la lune ne serait jamais visible !
Restera alors le ralentissement de la rotation propre de la terre due aux effets de marée provoquées par le soleil mais ce ralentissement sera encore beaucoup plus lent : le synchronisme (durée du jour solaire égale à une année sidérale, la terre présentant toujours la même hémisphère face au soleil) ne devrait pas intervenir avant la disparition du soleil sous sa forme actuelle…
La distance terre - lune r = OTOL ainsi que l'énergie du système terre – lune ont été déduites des propriétés du point fictif M de masse µ. Le mouvement de ce point M dans le repère barycentrique est une ellipse de très faible excentricité e0 dont G est un foyer. La position de M étant connue, les positions des centres OL et OT s'en déduisent par les relations déjà données :
Pour illustrer ces propos, les deux schémas ci-dessous reproduisent les mouvement elliptiques dans le repère barycentrique du point fictif M et des centres OL et OT . Sur le premier schéma, ces points sont positionnés à une date quelconque, à un passage par les apogées (positions 1) et à un passage par les périgées (positions 2) pour des masses telles que mT = 5mL . Les excentricités sont fortement exagérées pour une meilleure clarté. Sur le second schéma, les masses sont choisies telles que mT = 25mL . Par rapport à la situation précédente, les trajectoires de M et de OL se sont fortement rapprochées et les point G et OL restent toujours très proches. La situation réelle : mT = 81mL , n'est pas représentée : compte tenu de l'épaisseur des traits, les trajectoires de M et de OL apparaîtraient superposées et les points G et OT paraîtraient confondus…
Remarque : l'échelle choisie pour les deux schémas est arbitraire et sans signification particulière.
Animation mouvement de deux corps